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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/213

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compagnons d’habitude ; la yole était déjà trop chargée, et il fut obligé de se mettre dans la première embarcation qui se présenta.

Cette manœuvre ne s’était pas accomplie sans quelque lenteur occasionnée par la précipitation même, de sorte que déjà le brick espagnol, ses voiles gonflées par une bonne brise, était à quelque distance quand le signal du départ fut donné.

Don Cornelio ne se voyait pas sans une vive répugnance exposé encore une fois sur l’élément dangereux qui avait manqué de lui être si fatal, et de plus un combat naval était complètement en dehors de ses habitudes ; cependant l’enthousiasme général le gagna, et il se laissa aller avec quelque plaisir à contempler le spectacle que présentait la petite flottille.

Le soleil presque à son déclin, commençait à teindre de pourpre et d’or le vaste bassin sur lequel volaient, à l’envi l’une de l’autre, six embarcations chargées de soixante hommes brûlants du désir de se venger.

Devant elles le San-Carlos, poursuivait sa marche rapide. Les rayons obliques du soleil se reflétaient en lames de feu sur le cuivre de son doublage, tandis que ses mâts étaient couverts d’un nuage de voiles blanches. On eût dit un cygne aux pieds rouges et au plumage de neige, fendant l’eau des lagunes. Des hourras partaient de toutes les barques, comme ceux que font entendre les chasseurs qui suivent le daim dans la plaine. La quille des embarcations jetait, en sillonnant la mer, des réseaux d’écume sur sa surface d’azur ; c’était à qui arriverait le premier pour s’accrocher aux flancs du brick espagnol. Les uns recourbaient leurs baïonnettes pour les transformer en grappins d’abordage ; les autres, c’étaient les costeños de Galeana, qui ne savaient jamais se séparer de leurs lazos, les faisaient tournoyer au-dessus de leur tête, prêts à les lancer dans les cordages pour grimper à bord.

Cependant la distance qui séparait les insurgés du San-