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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/229

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l’homme au caban. C’était bien sa bayeta de couleur foncée et rabattue sur son visage. Il était absorbé sans doute dans quelque contemplation bien profonde ; car, depuis près d’une demi-heure que, livré aux plus tristes conjectures sur le sort de Costal, don Cornelio guettait le départ du mystérieux personnage, il n’avait pas changé de position. Son manteau seulement, gonflé par le vent, vint tout à coup à s’entr’ouvrir, et le capitaine put voir pour la première fois le sergent se mouvoir, mais de la manière la plus étrange.

Au milieu de ce silence nocturne, sur cette hauteur déserte, la présence de cet homme dans une attitude si bizarre avait jeté l’épouvante dans le cœur de don Cornelio. Cependant son isolement et le danger qu’il courait à prolonger plus longtemps son inutile attente lui firent prendre une résolution désespérée : celle de surprendre son ennemi distrait, de le tuer et de passer outre.

Il quitta l’abri de son buisson et s’avança sans bruit pour faire feu sur l’individu qui lui barrait le passage.

Il n’en était plus qu’à une courte distance, et l’homme au caban n’avait pas remué, lorsqu’une violente bouffée de vent s’engouffra dans son capuchon, le rejeta sur ses épaules, et à la clarté de la lune, qui donnait en plein sur son visage, don Cornelio frémit en distinguant des traits défigurés par la plus hideuse contorsion. Dès lors il n’eut plus de doute, l’homme à la bayeta était pendu par le cou au poteau du pont d’Hornos.

Partagé entre la curiosité de voir de plus près ce singulier personnage et la répugnance que lui causait son aspect dégoûtant, le capitaine hésitait à avancer ; puis, comme il lui fallait absolument passer par là, il s’arma de courage et parvint sur le pont. Il examina la figure contournée du supplicié avec un vague souvenir de l’avoir vue quelque part, et il allait passer outre lorsque son manteau, entr’ouvert une seconde fois par le vent, lui laissa voir un falot suspendu à son cou.