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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/288

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— Alors, allez le chercher à Huajapam, à moins que vous ne préfériez attendre son retour ici pendant quelques jours, dit le Catalan.

— J’aime mieux l’aller chercher ; le message que je porte ne souffre pas de retard. »

Le messager était donc en marche pour Huajapam à l’instant même où don Rafael s’en éloignait, incertain comme on vient de le voir, de la direction qu’il devait prendre.

Pendant ce temps d’hésitation, Trujano, de retour sur le champ de bataille jonché de morts et de débris, faisait agenouiller ses hommes pour rendre publiquement des actions de grâces au Dieu des armées qui venait de les délivrer des dangers d’un siège si long et si pénible.

Morelos, de son côté, avait également fait prosterner ses troupes, et don Rafael n’était pas encore assez éloigné pour que la voix des insurgés, qui, de part et d’autre, entonnaient des cantiques et des chants pieux, ne parvînt pas jusqu’à lui.

À ces chants lointains qui résonnaient mélancoliquement à ses oreilles, des larmes de tristesse remplirent ses yeux. Se reportant tout à coup aux circonstances qui l’avaient forcé à changer sa ligne de conduite, il pensa que, s’il n’avait pu écouter que ses généreux instincts, et non être entraîné par un terrible devoir, sa voix se fût mêlée des premières à celles qui remerciaient Dieu du triomphe de la cause dont il s’était fait l’irréconciliable ennemi.

Don Rafael repoussa bien vite ces pensées loin de lui, et se résolut à aller à l’hacienda del Valle pour y retremper son âme sur le tombeau de son père.

« Que Dieu protège celui qui fait son devoir ! » se dit-il en mettant son cheval au galop pour ne plus entendre ces chants qui amollissaient son cœur par les douloureux souvenirs qu’ils réveillaient en lui.