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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/292

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nonçant à elle sans l’en prévenir, la jeune fille l’avait attendu avec une vive impatience.

Quelque dépit bientôt effacé par l’inquiétude, puis ensuite de mortelles angoisses avaient rempli son cœur. Nous avons dit, au sujet de don Rafael, par quelles transitions insensibles et naturelles les habitants de las Palmas avaient été confirmés par son silence dans la pensée qu’il était traître à sa maîtresse comme il l’était à son pays ; nous ne le répéterons pas.

Peu s’en fallut cependant qu’au moment où don Rafael se présenta devant l’hacienda, le son de sa voix, en parvenant jusqu’aux oreilles de Gertrudis, ne vainquît son orgueil blessé. Cette voix mâle, si fortement empreinte de loyauté, soit quand elle échangeait, quelques mots avec son père, soit quand elle jetait un défi au féroce Arroyo, avait fait tressaillir toutes les fibres de son cœur. Elle avait eu besoin d’appeler à son aide tous les ressentiments de l’amour dédaigné et la pudeur naturelle à la femme pour ne pas se montrer au capitaine en s’écriant : « Oh ! Rafael, le poignard d’Arroyo me ferait moins de mal que votre abandon. »

« Qu’avez-vous fait, mon père ? dit-elle tristement à don Mariano lorsque le capitaine se fut éloigné avec sa troupe. Vous l’avez blessé dans son orgueil par des paroles irritantes, à l’instant où, par égard pour nous, il renonçait à exercer sa vengeance sur l’un des meurtriers de son père. Peut-être avez-vous fait mourir sur ses lèvres des mots d’oubli et de réconciliation. Vous avez anéanti le dernier espoir de votre pauvre fille. »

L’hacendero ne répondit rien ; il regrettait lui-même ses allusions blessantes envers un ennemi dont la générosité sauvait sa vie et celle de ses enfants.

Après le départ des bandits d’Arroyo, une morne tranquillité régna dans l’hacienda de las Palmas, et, dans le silence de la solitude, Gertrudis, tout en se demandant à chaque minute du jour si réellement don