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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/294

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Peu devait importer maintenant à Gertrudis l’endroit qu’elle habitait avec son père. Il ne lui restait à l’hacienda que de douloureux souvenirs ; mais, nous l’avons dit, ces douleurs mêmes l’y attachaient, et la jeune fille ne put voir sans tristesse, comme si le départ de las Palmas devait briser le dernier lien entre elle et don Rafael, le moment où il allait falloir quitter cette triste demeure.

Depuis que le capitaine ne respirait plus le même air qu’elle, Gertrudis n’avait eu d’autre plaisir que celui de faire soigner le beau cheval bai brun de don Rafael, qu’on avait repris et ramené à l’hacienda.

Sur ces entrefaites, le mariage de don Fernando avec Marianita s’était accompli. Résolue déjà bien longtemps avant que la guerre civile n’éclatât, cette union n’avait pas trouvé d’obstacles chez l’hacendero, malgré ses idées politiques. Don Fernando était Espagnol, il est vrai, mais il avait la parole de don Mariano, et, en outre, celui-ci ne voulait pas offrir en holocauste à ces tristes dissensions le bonheur de sa seconde fille ; n’était-ce pas assez déjà d’une victime ? D’ailleurs, comme beaucoup d’Espagnols à cette époque, don Fernando Lacarra avait adopté pour son pays celui qui renfermait ses affections, et, par cela même, ses sympathies étaient acquises à ses compatriotes d’adoption.

Peu de jours après son mariage, il avait emmené sa jeune femme à son domaine de San Carlos, voisin de celui del Valle, et, comme lui, situé sur les bords de l’Ostuta supérieur qui coulait entre les deux haciendas, non loin du lac du même nom. Ce domaine, gardé par de nombreux domestiques, que l’insurrection n’avait pas dispersés comme ceux de don Mariano, offrait une plus grande sécurité comparative que l’hacienda de las Palmas, et don Fernando voulait y donner asile à sa nouvelle famille ; mais don Mariano, dans le but de dissiper la mélancolie de sa fille par le bruit et le mouve-