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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/308

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vous, quand nous avons travaillé à redoubler le patriotisme de don Mariano en le débarrassant de sa vaisselle plate, nous aurions dû, comme je vous le disais, prendre aussi ses deux filles. J’aurais ainsi une charmante femme, à présent, tandis que vous seul… Mais bah ! je me sacrifierai toujours pour vous ; c’est mon rôle.

— Nous en ferons tant, voyez-vous, reprit Arroyo d’un air pensif, en se laissant aller malgré lui aux atroces insinuations de Bocardo, qu’on finira par nous traquer partout comme des bêtes féroces.

— Nous avons cent cinquante hommes dévoués, braves comme leur poignard.

— Enfin je ne dis pas… j’y penserai. »

Les yeux de Bocardo brillèrent d’une joie cupide à l’aspect de l’indécision d’Arroyo, qu’il savait devoir convertir, avant la fin du jour, en une résolution bien arrêtée d’exécuter le noir projet qu’il venait de lui soumettre.

Les deux associés, plongés dans les réflexions que leur suggérait ce plan de pillage et de meurtre, gardaient un silence qui durait depuis quelques instants, lorsqu’un pan de la tente se souleva pour donner passage à une virago au teint hâlé et à la figure flétrie par les mauvaises passions plutôt que par l’âge ; car ses cheveux, nattés et retenus par un peigne d’écaille cerclé d’or, étaient noirs comme l’ébène. Son air, toutefois, ne démentait en rien le portrait peu flatteur qui venait d’être fait d’elle.

En dépit de tous les ornements de verroterie, de chapelets, de scapulaires et de pièces d’or qui entouraient son cou, sa figure était hideuse à voir.

La fureur était peinte sur son front aux veines gonflées et dans ses yeux noirs injectés de sang.

« C’est une honte ! s’écria-t-elle en entrant et en laissant tomber sur Bocardo, qu’elle méprisait et détestait à la fois, le regard de colère qu’elle n’osait adresser à