Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Perdez donc, je vous prie, cette fâcheuse habitude de m’appeler du nom de Lantejas, qui ne m’a jusqu’ici que trop porté malheur. C’est sous le nom de Lantejas que je suis proscrit, et je ne dois plus désormais être pour vous, comme pour Costal, que don Lucas Alacuesta ; ce dernier nom est celui de ma mère, et il en vaut bien un autre.

— Suffit, capitaine, répondit Clara ; je n’oublierai plus vos ordres, même quand j’aurais la tête sous la hache du bourreau.

— J’y compte ; maintenant, en attendant le retour de Costal, vous pouvez me servir quelques morceaux de grillades qui me paraissent à point, car je meurs de faim.

— Et moi aussi, » ajouta le nègre.

Clara étendit comme une nappe devant le capitaine la coraza[1] de sa selle, et y déposa, enveloppés dans les feuilles des épis de maïs, les tronçons de cecina[2] qui devaient faire le dîner de don Cornelio.

Cela fait, le nègre s’assit les jambes croisées à côté des braises à moitié consumées, au milieu desquelles, avec un empressement qui devait être fatal à la portion de Costal, il se mit à piquer de son couteau le restant de viande qui s’y trouvait.

« Mais, si vous continuez de ce train-là, dit le capitaine, votre camarade Costal va demeurer à jeun.

— Costal ne mangera pas d’ici à demain, répondit gravement Clara.

— Je le crois sans peine : il ne trouvera plus rien, reprit don Cornelio.

— Vous n’y êtes pas, seigneur capitaine ; c’est aujourd’hui le troisième jour après le solstice d’été, et la lune doit se lever pleine ce soir. Voilà pourquoi

  1. Couverture piquée qui se met sous la selle.
  2. Viande séchée au soleil.