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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/355

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pas que, derrière les créneaux du mur d’enceinte, un soldat se montra, Clara marcha droit vers la porte.

La distance empêchait de saisir les paroles, mais don Cornelio et Costal purent voir le soldat montrer au nègre un objet que l’éloignement leur rendait invisible.

Cet objet toutefois semblait exciter au suprême degré l’hilarité de Clara, et le soldat avait disparu après avoir sans doute accordé la permission sollicitée, que le noir continuait à se livrer à son extravagante gaieté. Cela parut du plus heureux augure au capitaine ; néanmoins il hésitait à s’avancer, quand le nègre fit signe de venir le rejoindre.

Les deux compagnons s’empressèrent de se rendre à l’invitation de Clara, qui, au milieu de son rire inextinguible, leur montrait du doigt l’objet qui l’excitait à un si haut degré.

Le capitaine ne tarda pas à l’apercevoir, et crut s’être grossièrement trompé.

En effet, le spectacle qui venait de frapper ses yeux n’était guère de nature à justifier les joyeux éclats de rire du noir.

Au lieu des têtes de loups ou d’autres animaux nuisibles qu’on accroche parfois aux portes des haciendas, c’étaient trois têtes humaines, non pas desséchées, mais qui semblaient coupées tout fraîchement. Don Cornelio, pensant que le noir ne les avait sans doute pas aperçues, les lui montra avec un geste d’horreur.

Clara ne fit que rire de plus belle.

« Misérable ! s’écria, don Cornelio, ce spectacle est-il donc fait pour exciter la gaieté ?

— Parbleu ! répondit celui-ci sans se déconcerter, on rirait à moins. »

Puis il ajouta tout bas, de façon à ne pas être entendu de la sentinelle espagnole :

« Cette tête est la vôtre.

— Ma tête ! » répliqua l’ex-étudiant en pâlissant.