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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/366

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selles, broyaient leur ration de maïs dans les auges de bois.

Partout les lueurs vives, ou mourantes des nombreux foyers éclairaient des faisceaux de carabines, de lances ou d’épées, et don Cornelio ne put s’empêcher de frémir à l’aspect de ces bandits de sac et de corde dans leur pittoresque et terrible accoutrement.

La plupart d’entre eux ne dédaignèrent pas s’émouvoir de l’arrivée d’un prisonnier de plus ; seulement, l’un des hommes, se soulevant nonchalamment sur son coude, demanda au Gaspacho dans quel but on venait de l’envoyer battre la plaine à cette heure de la nuit.

« On prétendait, répondit le Gaspacho, que la maîtresse de céans, que son mari dit être absente, venait de s’échapper par la fenêtre ; nous avons cherché et nous reviendrions les mains vides, si nous n’avions rencontré, pour son bonheur, cet espion du vice-roi, qui veut se faire passer pour notre camarade Lantejas.

— Comment, pour son bonheur ?

— Parbleu ! puisqu’on va l’envoyer en paradis prier pour le capitaine et sa femme.

— Ah ! en effet, c’est fort drôle. »

Et l’homme se recoucha.

Les compagnons du Gaspacho s’étaient réunis aux soldats étendus dans la cour, et don Cornelio monta seul avec lui les marches d’un large escalier de pierre.

Arrivés à une porte derrière laquelle se faisait entendre un grand tumulte accompagné de cris de douleur, le bandit ouvrit cette porte et poussa don Cornelio sans cérémonie au milieu d’une immense salle dont l’atmosphère embrasée faillit le suffoquer.

Deux ou trois torchères de fer fixées à la muraille et garnies de torches de résine ne jetaient qu’une lumière terne ; car la lueur rougeâtre qu’elles lançaient pâlissait devant les flammes éblouissantes d’un baril d’eau-de-vie qui brûlait tout entier. La chaleur, l’odeur de sang