Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de soutane, avait obtenu de l’évêque la permission de la renforcer de quelques bataillons d’ouvriers militairement organisés, à la condition toutefois que les officiers seraient choisis parmi les moines et les curés.

C’était un détachement de cette milice que Bonavia envoyait ce soir-là au lieutenant Veraegui. La troupe était rangée dans la cour au moment où don Rafael y pénétra, escorté de son lieutenant, de ses alferez et des soldats portant des torches à la main.

Le colonel, quoique excellent catholique, mais militaire avant tout, partageait le dédain du général Bonavia pour ces prêtres soldats, et il eut besoin de faire un effort sur lui-même pour accueillir convenablement le chef du bataillon provincial qui s’avançait à sa rencontre.

C’était un dominicain grand et maigre, au froc mi-parti de noir et de blanc, surmonté de deux épaulettes à graine d’épinards et sanglé d’un ceinturon qui soutenait son sabre et deux pistolets.

Ce qui frappa le plus désagréablement le colonel, accoutumé déjà à ces bizarreries, fut un singulier ornement servant de cocarde au vaste sombrero noir du dominicain.

« Quelle diable de cocarde portez-vous là, révérend capitaine ? lui demanda don Rafael un peu brusquement, lorsque le moine lui eut été présenté.

— Ceci ? reprit fray Tomas de la Cruz (c’était le nom du dominicain) en ôtant son chapeau pour mieux faire voir à la lueur des torches les ornements dont son feutre était rehaussé ; ce sont tout simplement les oreilles d’un coquin d’Indien à qui j’ai daigné faire la chasse le long de la route.

— Et c’est ainsi que vous croyez convertir ces malheureux à votre parti ?

— Celui-ci du moins, reprit le moine avec un agréable sourire, aura prêté ses oreilles à la bonne cause. »

Un éclair de colère méprisante brilla dans les yeux de