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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/64

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ne vînt abréger ma besogne ; vous ne l’avez pas voulu ; songeons à nous à présent, Clara. La nouvelle lune va se lever tout à l’heure : laissez-moi invoquer Tlaloc, le dieu des eaux, pour qu’il envoie la richesse au fils des caciques de Tehuantepec. »

En disant ces mots, l’Indien s’éloigna de quelques pas de Clara.

« N’allez pas trop loin, s’écria celui-ci, à la pensée des redoutables voisins qui rôdaient près de là.

— Je vous laisse ma carabine.

— Belle avance ! caramba ! un coup pour quatre tigres, » murmura le nègre.

Le Zapotèque s’avança lentement vers le bord de la rivière, monta sur le tronc d’un saule qui était incliné sur l’eau, et debout, les bras étendus en avant, il commença à chanter sur une mélodie bizarre une espèce d’invocation indienne dont les mots arrivaient jusqu’au nègre, sans toutefois qu’il en pût comprendre le sens.

Clara écoutait avec une frayeur d’un autre genre cette invocation aux dieux du paganisme zapotèque, et son effroi ne tarda pas à redoubler quand un rugissement, quoique à peine perceptible, se fit entendre au loin, comme si la voix du démon répondait à son adorateur. C’était, ainsi que l’avait dit l’Indien, dans la direction de la cascade. Au milieu des ombres que l’approche de la nuit commençait déjà à répandre, la coïncidence des prières bizarres du païen et des cris lugubres du tigre, qui semblaient en être l’accompagnement infernal, devait en effet être effrayante pour un homme de la race ignorante et superstitieuse de Clara. Il crut voir des yeux de feu luire devant lui dans le fourré ; l’ombre indécise de la Sirène aux cheveux tordus lui parut s’élever lentement de la surface des eaux, et des voix mystérieuses lui semblèrent se mêler au grondement lointain de la chute d’eau.

Un double frisson passa sur sa peau noire, depuis la