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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/79

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vanté outre mesure de l’inquiétude que décelait le ton de Costal, qui semblait ne s’effrayer de rien.

— C’est aujourd’hui nouvelle lune, et j’avais oublié que, dans cette saison, c’est toujours le moment où les fleuves de l’État se gonflent, se joignent et inondent chaque année nos campagnes. Vous savez que l’inondation arrive alors comme la foudre. N’entendez-vous pas déjà au loin ses grondements sourds ?

— Je n’entends, Dieu merci, que ceux de la cataracte, qui nous forcent à crier si haut tous deux pour nous comprendre ; mais hâtons-nous.

— Oh ! continua Costal, une fois sortis de ce ravin nous n’avons pas grand’chose à craindre ; le sommet d’un arbre nous servirait d’abri, si l’inondation venait à nous surprendre.

— D’accord ; mais ici ?

— Ici, ce serait fait de nous. »

Les deux aventuriers gravirent le talus escarpé en silence et avec une célérité redoublée par l’appréhension d’un péril auquel rien n’aurait pu les soustraire, soit au fond, soit sur les flancs du ravin, où le torrent devait s’engouffrer comme dans un canal, avec une violence à laquelle nulle force humaine n’était capable de résister.

Tout en s’aidant des pieds et des mains pour faciliter son ascension, Costal exhalait sa colère contre le mécréant qui avait fait avorter ses espérances, tandis que le nègre enregistrait dans sa mémoire comme un des jours les plus néfastes de sa vie celui où il avait été forcé d’affronter les jaguars, les esprits de l’autre monde et les risques de l’inondation. Puis bientôt l’Indien atteignit la crête du talus, et Clara poussa un soupir de soulagement en prenant pied à son tour sur le sommet de l’immense et profond ravin.

Tout à coup, saisissant le bras de Costal avec un tressaillement nerveux, il lui indiqua du doigt un objet qui lui paraissait étrange.