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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/85

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dation et dans le lit gonflé des torrents : demain nous le chercherons.

— Et ce jeune homme que nous a recommandé le voyageur ?

— Nous irons de son côté, reprit Costal ; en attendant, nous allons en un tour de main porter la pirogue au sommet du cerro de la Mesa, sur lequel nous passerons tranquillement la nuit, à l’abri des tigres et de l’inondation.

— Ce sera bien heureux, car j’ai grand besoin de sommeil, » dit le noir, rasséréné par la perspective d’une nuit de repos.

Pendant ce temps, don Rafael galopait dans la direction de l’hacienda de las Palmas.

Durant la première demi-heure de route, la savane était si paisible sous les rayons de la lune, les palmiers se balançaient avec tant de mollesse sous un ciel étincelant d’étoiles, tandis que la brise apportait les parfums pénétrants des goyaviers, qu’il put croire que l’Indien avait voulu se jouer de sa crédulité. Alors il ralentit le pas de son cheval presque involontairement, se laissant aller à cette molle rêverie que suscite le charme de ces belles nuits des tropiques, où l’on se sent heureux de vivre en prêtant l’oreille aux harmonies nocturnes que se renvoient le ciel et la terre, comme un hymne, que chacun d’eux chante à son tour.

Le voyageur se rappela cependant tout à coup les cabanes abandonnées le long de la route, les embarcations hissées au sommet des arbres, comme un dernier moyen de sauvetage pour ceux, que l’inondation pourrait surprendre à l’improviste. Alors son extase tomba subitement, et il accéléra de nouveau la marche de sa monture.

Puis une seconde demi-heure s’écoula et, comme par enchantement, les cigales cessèrent de bruire sous l’herbe, la savane entière sembla faire silence, et à la