Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un terrible réveil allait dissiper les rêves de convoitise de Baraja et d’Oroche.

« Il est temps ! dit Bois-Rosé.

— Il me faut don Antonio vivant, dit brièvement Fabian ; arrangez-vous d’après cela ; le reste m’importe peu. »

Comme il achevait ces mots, le Canadien se dressa sur ses pieds de toute sa hauteur ; il poussa un cri qui retentit subitement aux oreilles des quatre nouveaux venus et leur arracha une exclamation de surprise que vinrent redoubler encore la taille gigantesque du Canadien et son singulier accoutrement.

« Qui êtes-vous et que voulez-vous ? s’écria une voix que Fabian reconnut pour être celle de don Antonio.

— Qui nous sommes ? répondit le chasseur. Je vais vous le dire et vous rappeler d’abord une vérité que l’on ne conteste jamais dans mon pays ni dans le désert, c’est que la terre est au premier occupant ; or, puisque vous ne nous avez pas vus arriver, c’est que nous étions ici avant vous. Nous sommes donc les seuls maîtres de ces lieux. Ce que nous voulons, c’est que vous vous retiriez de bonne grâce, c’est-à-dire trois d’entre vous, et que le quatrième se livre à notre discrétion, pour lui rappeler une seconde loi du désert, celle qui veut du sang pour du sang.

— C’est quelque anachorète à qui la solitude a troublé la cervelle, dit Pedro Diaz, confondant avec un paisible solitaire le terrible frère de la carabine et du couteau.

— Prenez garde ! fit Baraja, je connais cet homme : c’est le plus redoutable tueur de tigres que j’aie jamais vu. Tenez, Diaz, nous n’avons pas de chance.

— Et que m’importe ? s’écria Pedro Diaz.

— Demander qu’on cède, sans coup férir, un placer comme il n’en a jamais existé ! Devant un pareil trésor,