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Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/152

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corce et une pluie de feuillage arrachés aux sapins tombaient sur les trois combattants, et les balles de Fabian n’avaient sans doute pas fait plus de mal à l’ennemi.

« Cédez-moi votre place, Fabian, dit Bois-Rosé, et venez prendre la mienne. Pepe, apprenez-lui comment il doit placer le canon de son arme pour s’en servir sans la laisser apercevoir. »

En disant ces mots, le Canadien se recula en rampant et se croisa avec le jeune homme qui venait rejoindre Pepe. Bois-Rosé, à son nouveau poste, examinait à la fois, avec la rapidité habituelle de son coup d’œil, les hauteurs ainsi que la plaine. Il fut surpris de voir au delà du lac qui s’étendait au pied de la pyramide, du côté opposé à la chaîne de rochers, et dont les eaux baignaient le flanc escarpé des Montagnes-Brumeuses, quelques-unes des pierres plates semées en si grand nombre sur la plaine, dressées de champ à peu de distance les unes des autres.

Le coureur des bois compta quatre de ces pierres, et il ne douta pas que ces abris ne cachassent autant d’ennemis embusqués pour empêcher leur fuite de ce côté. De là le Canadien reporta toute son attention sur les hauteurs, où le feu jetait toujours une faible lueur à travers le brouillard ; puis, patient lui-même comme un Indien, il attendit.

Pendant ce temps, immobiles à son exemple, et couchés à côté l’un de l’autre, Fabian et Pepe échangeaient quelques mots à demi-voix.

« Vous avez eu tort, Pepe, dit Fabian, d’exaspérer ainsi ces deux hommes par des outrages gratuits, et peut-être immérités.

– Pas plus gratuits qu’immérités, don Fabian : d’abord, ils m’ont soulagé d’un poids énorme, et ensuite ces deux hommes sont les plus grands coquins qui aient jamais foulé les Prairies, où il y en a un si grand nombre. Vous ne connaissez pas encore cette race perverse