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Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/183

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succédait, l’ennemi, pour être atteint, avait forcé le chasseur à découvrir le canon de son arme comme la première fois ; frappé à mort comme lui, il tomba derrière la haie, et deux détonations se mêlèrent encore à celle du coup tiré par Bois-Rosé.

« Malédiction ! malédiction ! s’écria le chasseur d’une voix tonnante, en se dressant presque debout et en lançant avec rage, vers le cadavre de l’ennemi qu’il venait d’abattre, la crosse inutile qui lui restait dans les mains. Telle était la force de l’étreinte du colosse en tenant son arme, que le canon s’était détaché du bois, sans pouvoir l’arracher aux doigts qui le serraient.

« Que l’enfer ait ton âme, métis damné de ton vivant ! continua le Canadien en montrant du poing le cadavre immobile. »

Un éclat de rire, qui semblait poussé par un démon chargé d’exécuter la malédiction du Canadien, retentit sur les rochers en face des chasseurs, et, rapide comme un éclair, le métis, plein de vie, montra un instant, au-dessus du rempart de peaux de buffles, sa tête couverte de cheveux dénoués et flottants, et son visage empreint d’une diabolique ironie ; puis la vision s’évanouit aussi rapidement qu’elle s’était montrée.

L’Indien qui avait joué son dernier rôle de perfidie avait habilement emprunté la coiffure du métis pour exciter plus sûrement la haine de ses ennemis, et il n’avait que trop réussi.

« L’Aigle des Montagnes-Neigeuses n’est qu’un hibou en plein jour ; ses yeux ne savent pas distinguer au soleil le visage d’un chef ou celui d’un guerrier, cria la voix de Sang-Mêlé, après la bravade qu’il venait de faire en se montrant.

– Ah ! Pepe, cet homme nous est fatal ; mais ce sera désormais entre lui et nous une guerre à mort, s’écria Bois-Rosé, et les Prairies, toutes grandes qu’elles sont, ne sauraient plus nous porter tous deux. »