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Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/365

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Quelques pas plus loin, il aperçut à travers les taillis la nappe d’eau qui, noire et silencieuse, roulait les arbres jetés dans son lit. Il en conclut que c’était sur la rivière même, ou du moins sur ses bords, que l’engagement avait lieu. Une nouvelle et soudaine explosion, dont il aperçut l’éclair se répéter l’espace d’une seconde sur la surface du fleuve, le confirma dans ses suppositions.

Alors il avança encore, sans dévier de la ligne parallèle avec la rivière. Un hurlement de guerre qui résonna devant lui, et qu’il crut reconnaître pour un de ceux du jeune guerrier comanche, décida le Canadien à appeler à lui le carabinier et Gayferos, pour courir tous trois à l’aide de Rayon-Brûlant, dont la position exacte lui était maintenant connue.

Trois glapissements du chacal effrayé étaient le signe de jonction convenu à l’avance.

Bois-Rosé poussa le premier cri, auquel l’Espagnol répondit en se rapprochant.

Puis il poussa le second cri, que répéta la voix de Pepe, un peu plus près de lui.

Le Canadien n’acheva pas le troisième. Ce cri à peine commencé expira dans son gosier.

Deux mains vigoureuses pressaient sa gorge, tandis que, au milieu d’un groupe de corps noirs qui semblaient surgir de terre, des couteaux étincelants brillaient à ses yeux d’une lueur sinistre. Qu’un seul instant de faiblesse causée par une surprise si soudaine se fût emparé de Bois-Rosé, et c’était fait de lui ; mais l’intrépide coureur des bois pouvait être un instant surpris, mais non effrayé. D’un bond vigoureux en arrière, le Canadien emporta avec lui l’Indien, dont les deux mains cherchaient à l’étrangler.

Écarter loin de lui, de la main gauche, sa carabine, presser de la droite à son tour la gorge de son ennemi et le rejeter sans vie à ses pieds, sous une irrésistible