Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La troupe de l’Oiseau-Noir, malgré les pertes successives qu’elle avait éprouvées dans le trajet jusqu’à la Fourche-Rouge, se composait encore d’une quarantaine de cavaliers. Dix Indiens accompagnaient les deux pirates du désert ; six autres venaient de se joindre encore à ces cinquante guerriers. Les Apaches se trouvaient donc en nombre suffisant pour attaquer avec avantage les vaqueros, qu’ils supposaient sans défiance, dût le chef comanche amener à temps les combattants qu’il conduisait.

Telle avait été la rapidité de la marche des cavaliers indiens, car il n’y avait plus un seul piéton avec eux, qu’il était presque certain que les chasseurs et leur allié ne seraient pas rendus au Lac-aux-Bisons avant la nuit, ou le coucher du soleil au plus tôt. Les guerriers du désert ont l’imprévoyance des enfants, dont ils ont les fougueux caprices. Il y avait pour eux un spectacle plus attrayant que le pillage des chevaux, c’était le supplice d’un blanc.

Les deux prisonniers, l’hacendero et le sénateur, étaient la propriété exclusive de Sang-Mêlé, qui fondait sur leur rachat l’espoir d’une riche proie ; leur vie était sacrée, et c’était celle du malheureux Fabian qui devait faire les frais du cruel divertissement que se promettaient les Indiens.

Il fut donc résolu qu’on l’offrirait comme une victime propitiatoire avant le combat.

Tandis que les haches des Indiens ébranchaient un jeune saule à quelque distance de là pour convertir son tronc en un poteau de supplice, Rosarita avait recouvré l’usage de ses sens. Mais à la vue de son père et du sénateur garrottés, à l’aspect des yeux étincelants du métis qui se fixaient sur elle avec une impudique ardeur, la malheureuse enfant, malgré la voix de son père qui essayait de la consoler en joignant à ses encouragements des malédictions à ses bourreaux, ne put empêcher