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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/267

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potait. Nous nous mimes en route, et bientôt, sous l’impulsion des deux rameurs, nous commençâmes à glisser assez rapidement sur la surface sombre de l’eau. Sur les rives, c’était la solitude imposante des forêts d’Amérique, et le bruit sourd de l’ouragan qui s’engouffrait dans les arbres. Les bords du fleuve étaient très-accidentés. Tantôt son lit s’élargissait, et la barque traçait son sillon à une distance égale des deux rives. Tantôt l’eau resserrée dans son cours rongeait des rives escarpées et coulait impétueusement sous une voûte épaisse d’acajous et de cèdres inclinés, qui laissaient pendre jusque sur nous de longues guirlandes de plantes parasites. Je me laissais aller au charme d’une rêverie qui me faisait oublier complétement le but de notre voyage nocturne ; une observation du pilote m’en tira brusquement.

— Chacun, dit-il, a dans ce bas monde ses envieux et ses ennemis. Je connais pour ma part plus d’un individu, y compris Campos, qui se réjouiraient fort de savoir qu’à cette heure avancée de la nuit, au milieu de ces solitudes que jamais alcade n’a visitées, ils pourraient rencontrer Sinforoso Ventura sans défense.

— N’avons-nous pas des armes ? reprit Calros. Votre carabine, les pistolets de mon ami que voici, mon sabre, les comptez-vous pour rien ?