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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/32

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femmes revenaient se lamenter devant les barreaux et poussaient des cris de douleur. Leurs cris ameutaient les passants ; les uns les plaignaient, les autres se contentaient de les regarder curieusement. Agenouillé près de la grille, la tête découverte et tenant la bride d’un cheval richement caparaçonné, un homme récitait dévotement ses oraisons. À son costume, il était facile de reconnaître qu’il appartenait à la classe aisée des campagnards. Son équipement pittoresque s’alliait bien du reste à des traits mâles et pleins de distinction. Au-dessus du sourcil droit de l’inconnu, une longue et mince cicatrice se dessinait en blanc sur son front découvert. C’était, sans nul doute, le beau jeune homme dont Perico m’avait le matin même fait le portrait. Rendait-il grâce à Dieu de l’avoir arraché au danger, ou le remerciait-il d’aimer ou d’être aimé ? La question resta douteuse pour moi, et d’ailleurs les dévotions qui donnaient matière à ces conjectures furent subitement interrompues. Effrayé par le bruit des voitures, un cheval rebelle aux efforts de son cavalier vint heurter violemment l’échelle au haut de laquelle un sereno allumait un réverbère suspendu aux murs de la caserne de La Acordada. Le sereno tomba d’une hauteur de quinze pieds, et resta sans mouvement sur le pavé. Il me serait facile de décrire la stupeur du malencontreux cavalier à la vue