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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/62

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rendit bientôt insaisissable. Je m’élançai à tout hasard dans une des lugubres ruelles qui aboutissaient au canal. Il me fallut errer longtemps dans ce dédale avant de retrouver un quartier connu, et le jour pointait quand je pus m’orienter. La nuit m’avait porté conseil, et je résolus de faire la déclaration en règle du malheur que j’avais causé la veille. Je me dirigeai donc résolument vers le juzgado de letras[1]. Quand j’entrai, le juge n’était pas encore arrivé, et j’attendis dans le vestibule. La fatigue et le sommeil ne tardèrent pas à l’emporter sur mes préoccupations de tout genre ; je m’endormis sur un banc. Des rêves confus me retraçant les scènes bizarres dont j’avais été témoin, il me sembla entendre un bruit sourd autour de moi, puis le silence se fit tout à coup. J’ouvris les yeux, et je crus avoir encore le cauchemar qui m’avait oppressé. Une civière couverte d’un drap ensanglanté était déposée presque à mes pieds. Une pensée me traversa l’esprit comme un éclair. Je m’imaginai que j’avais été reconnu, et que, par un raffinement de justice barbare, on voulait me confronter avec celui dont j’avais causé la mort. Je me retirai dans le fond du vestibule ; la vue de

  1. Salle d’audience. Le juez de tetras est le juge criminel.