Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moitié de son manteau ; qu’était sa charité près de la vôtre ?

Le franciscain haussa les épaules.

– Hélas ! murmura-t-il, c’est un riche qui a mon froc, et je ne mérite pas d’être comparé à saint Martin.

— Je vous reconnais bien, c’est ainsi que les vertus les plus éminentes cherchent toujours a se rabaisser elles-mêmes.

Accablé de mes éloges, le moine renonça à dissimuler plus longtemps.

— Parbleu ! répondit-il, d’un ton tout à fait cavalier, les gens dévots ont l’habitude de se faire enterrer dans des habits de moine, et plus ces habits sont usés plus ils ont de prix à leurs yeux. Mon froc était, à ce compte, d’une valeur inestimable, je l’ai donc vendu le double de ce qu’il m’avait coûté tout neuf, et, par dessus le marché, j’ai pris dans la garde-robe du moribond l’équipement que vous me voyez aujourd’hui.


Le soleil s’était couché, et la lune, qui se levait, répandait sa clarté devant nous sur la campagne déserte. D’un bond nous rejoignîmes nos compagnons, qui nous précédaient. Arrivé au sommet d’une petite éminence, je jetai un dernier coup d’œil sur le canal et les plaines de la Viga, qui par