Page:Gandhi - La Jeune Inde.djvu/58

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ques de l’existence ; et si l’homme n’avait, en grande partie pour son mal, fait de l’action de manger un plaisir et un fétiche, nous remplirions cette fonction en secret, ainsi que nous le faisons de toutes les autres. En vérité, la plus haute culture de l’Hindouisme considère encore ainsi l’acte de manger, et il existe des milliers d’Hindous qui ne mangeraient devant personne. Je pourrais citer bien des noms d’hommes et de femmes cultivés prenant leurs repas dans la solitude la plus complète, et qui vivent en bonne intelligence avec tous.

La question de mariage est plus délicate encore. S’il est possible à des frères et sœurs de vivre en affectueuse amitié sans songer à s’épouser, je ne vois rien qui s’oppose à ce que ma fille considère tout Mahométan comme un frère, et réciproquement. J’ai sur la religion et le mariage des opinions très nettes. C’est en réprimant nos appétits, — qu’ils se rapportent à la nourriture ou au mariage, — que, du point de vue religieux, nous avançons le plus. Je désespérerais de jamais pouvoir cultiver de relations amicales avec le monde, s’il me fallait reconnaître le droit à tout jeune homme d’offrir sa main en mariage à ma fille, ou me considérer comme tenu de dîner avec n’importe qui. J’ai la prétention de vivre en bons termes avec le monde entier, je ne me suis jamais querellé avec un seul Mahométan ou un seul Chrétien et, depuis des années, je n’ai jamais touché à autre chose qu’à des fruits, soit chez des Mahométans soit chez des Chrétiens. Je refuserais certes énergiquement de manger des mets préparés dans l’assiette de mon propre fils ou de boire de l’eau d’une tasse où il eût mis les lèvres sans qu’elle