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Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/120

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la Boule Plate ; avertie par Flagothier, elle avait gardé son costume de concert, à l’étonnement du cependant toujours imperturbable André ; ses bras magnifiques et ses épaules rondes frissonnèrent un instant au froid de la nuit ; d’un bond elle pénétra dans le café, étourdissant du frôlement de ses dentelles, de l’odeur de sa chair pâle et nue, Flagothier debout sur le seuil :

— Votre bras à Madame, Monsieur André…, cria-t-il.

Elle traversa comme une apparition de féerie, la première pièce, excitant les chuchottements admiratifs des humbles consommateurs d’icelle et faisant éclore ces « regare une fois ! » qui créent, à l’usage des Bruxellois de carrière, le verbe regarer.

Déjà debout devant les musiciens, Flagothier avait son violon sous le menton.

Brabançonne, Messieurs !

L’hymne national, avec la sonorité canaille et crispante d’une musique de parade, à la foire, ébranla le vieux café, de la cave au grenier.

André, d’abord ahuri, comprenait enfin les choses, en voyant les décorations en couques de Dinant, en entendant l’hymne persan succéder à la Brabançonne. Son âme de fêtard se réjouit : il cria un hurrah qui ressemblait à un cri de guerre, à tue-tête, dans le