Aller au contenu

Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie. Charles fit comme lui : les deux jeunes gens s’attablèrent à l’écart ; et, tandis que la bruyante partie se poursuivait, ils causèrent en amis.

Amis, ils l’étaient devenus, rapprochés par la culture de leur esprit, par des façons communes de considérer les gens et les choses, par la ressemblance de leur nature, que l’approche de la quarantaine assagissait.

Miné par la maladie au point que personne ne s’illusionnait sur la possibilité d’une guérison, Julien Rousseau était orphelin : tous ceux des siens qu’il avait aimés s’en étaient allés du mal dont il s’en allait à son tour. Il vivait d’un travail de secrétariat de banque. La Boule Plate lui était précieuse ; la diversité et la multiplicité des types qui y défilaient amusaient son esprit observateur, railleur et perspicace ; il s’y sentait entouré de sympathies sincères. Cet estaminet était, pour lui, devenu un foyer : il s’y réfugiait, dès le soir venu, à l’abri des courants d’air, douillettement blotti dans « son » coin, ayant chaud, buvant des grogs et fumant des cigares fins — son seul luxe.

L’idée de la mort lui était odieuse ; il s’auto-suggestionnait pour l’écarter et, comme tous ses confrères en phtisie, il y parvenait presque complètement. Il était seulement exaspéré des quintes de