Aller au contenu

Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un silence s’appesantit. Mme Cécile lui fit signe de ne pas parler de ces choses. Il continua :

— Je n’ai plus de famille, moi ; si l’un de vous ne me ferme pas les yeux quand je serai devenu petit, tout petit, presque tout entier mangé par les microbes, ce sera un infirmier qui constatera que j’ai passé. L’année prochaine, je ne serai plus ici avec vous ; vous réveillonnerez sans moi et l’un de vous dira : « le pauvre camarade, il ne doit plus en rester beaucoup sous le gazon, dans la petite boîte.

Il sanglota tout à coup, vaincu, acceptant l’idée du renoncement à la vie ; dans la chambre, on eût cru entendre rôder la Mort invisible ; chacun sentait dans la nuque, le souffle de son haleine de pourriture. L’un des garçons se signa, derrière Julien. Celui-ci le vit dans la glace, devint plus pâle encore et suffoqua dans son mouchoir : le froid des grandes ténèbres entrait dans ses moelles. Charles, le cœur tordu, sentit si profondément ce que Julien devait souffrir, qu’il fit le souhait ardent de le voir mourir tout de suite. Alembert Picquet, n’y tenant plus, se sauva dans la cuisine, tandis que des larmes roulaient sur les joues de Mme Fampin, assise à une table voisine ; Mme Cécile et En-Sol-Messieurs, interdits, saisis de saluer la mort, tâchaient de faire bonne contenance ; ils avaient pris les pauvres mains de