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Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/208

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s’occupait de ses engagements, lui décrochait les gros cachets, soignait sa réclame, tenait ses différentes espèces de comptes, arrangeait sa vie en conciliant ses intérêts avec ses caprices. Le titre de « manager », gravé sur ses cartes de visite, le dispensait d’en présenter un autre, plus pittoresque, que le monde du Concert ne manquait pas, d’ailleurs, de lui décerner.

Jane Reclary s’extasiait sur sa veine d’avoir rencontré un ami précieux qui, aux avantages de la mère d’actrice, joignait la bonté du frère, le dévouement de l’associé et la tendresse protectrice de l’époux, un ami qui se laissait aimer quand elle en avait le temps et l’envie et qui, en jouant le rôle qu’elle lui avait confié, n’avait jamais eu une protestation, un regret ou une plainte, rien qu’un frémissement d’amour quand elle lui faisait signe que c’était son tour à lui.

Flagothier, dans cette atmosphère, n’était point incommodé, parce qu’il était parvenu à ne plus réfléchir : il se grisait du parfum des robes et du corps de Jane. À coup sûr, il vivait sans joie, comme hébété dans l’inconscience, les nerfs douloureux, tiraillés, tendus par l’incessant désir. Mais il vivait intensivement, dans la frénésie de sa déchéance. À de rares moments cependant, il avait la sensation d’être