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Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/217

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de tous les signes de l’inquiétude, de la détresse, de la désolation dont est précédé l’Adieu, le réconfort aussi de la parole du médecin reculent l’idée du départ pour le grand voyage.

La mort étant partout, on ne la sent plus, de même que l’asphyxié ne sent plus que l’air qu’il respire se vicie, s’empoisonne, se corrompt jusqu’à devenir mortel.

Le médecin expliqua tout cela à Mme Cécile et à Charles, avec des mots et un accent qui les persuadèrent ; mais ils l’écoutaient à peine : ils étaient impatients de voir Julien. Ils le trouvèrent dans la galerie vitrée sous laquelle il respirait les haleines, quelquefois rédemptrices, du vent frigide. Il était pelotonné sur une chaise longue, tout menu sous d’épaisses couvertures, les pommettes vives ; il tendit vers eux, dès qu’il les aperçut, ses doigts de cire diaphane, aux ongles bleus et bombés. Ils furent effrayés quand, bon gré mal gré, il sortit de dessous son amas de couvertures : non, jamais ce corps émacié ne reviendrait à la vigueur nécessaire à la vie normale, jamais ce masque marbré de deux taches rougeâtres, qui, sous la peau flétrie, dessinait toute l’ossature du crâne, ne recouvrerait les couleurs de la santé. Il était bien le pauvre qui, du banquet, n’espère plus que les miettes…