Page:Garnir - Le Commandant Gardedieu, 1930.djvu/60

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chacun à sa place et la terre tournera comme le bon Dieu a dit qu’elle doit tourner.

Feu le mari de Tante Lalie, mon oncle Urbain Godin, avait un frère cadet, Léon, avec lequel il ne s’entendait guère. Ce frère possédait le genre artiste : il aimait mieux jouer du violon et diriger la chorale des Artisans Montois que de s’occuper de ses affaires. Sa femme, jolie, maladive et triste, faisait des vers, écrivait dans les journaux et chantait dans les concerts de charité. Ils furent parmi les malheureux actionnaires de la Rouge Veine, le charbonnage qui fut noyé par un coup d’eau en une seule nuit et qui causa tant de désastres financiers à Mons et dans le Borinage.

Ruinés aux trois quarts, objets des sarcasmes ou de la commisération de leurs concitoyens, ils quittèrent Mons pour Paris et l’on perdit pendant longtemps leurs traces. On sut plus tard qu’ils avaient connu là-bas de longs jours de misère… Tante Lalie apprit, un matin, par une lettre de Paris, la mort de Léon et l’extrême dénuement dans lequel se trouvaient sa veuve et sa fillette. Tante Lalie n’hésite jamais quand on a besoin d’elle : le soir même, elle était à Paris, conduisait dans une clinique la veuve qui y décédait le troisième jour et ramenait à Mons la petite Valentine. Elle