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Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/118

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tain la voix des travailleurs, et sur les routes pavées le roulement des tombereaux, le cri des essieux fatigués. Les bestiaux, dans l’étang jusqu’à mi-jambes, chassaient à grands coups de queue les mouches importunes ; les faneurs occupaient la prairie, Phillis en tête.

« Allons, Paul, à votre tour ? » me dit-elle, me jetant son râteau dès qu’elle m’aperçut.

Et le ministre, tout haletant, riait de cette familière bienvenue.

« Allons, Paul, reprit-il, nous avons besoin de tous les bras disponibles ; d’ailleurs ce travail-là doit te délasser des autres. À l’œuvre, mon garçon, et prends la place d’honneur. »

La place d’honneur étant auprès de Phillis, je ne me fis pas répéter l’invitation.

Nous ne quittâmes le pré que lorsque le soleil eut caché ses lueurs sanglantes derrière les noirs sapins qui bordaient le communal. Vinrent ensuite le souper, la prière et le lit. Je ne sais quel oiseau chanta fort tard auprès de ma fenêtre ouverte, et je fus réveillé de grand matin par le bruyant caquet de ces poules que Phillis élevait si bien.

Je n’avais pris, en fait de bagages, que les objets d’immédiate nécessité ; le messager devait apporter le reste. Il arriva de bonne heure à la ferme. En ce moment-là, j’avais fort à faire pour répondre à la chère tante, qui m’avait entrepris, seul à seul, sur les procédés de boulangerie employés chez ma mère. L’arrivée des caisses interrompit notre conférence. On m’apportait aussi deux lettres arrivées depuis mon départ ; — sur l’une de ces lettres, je remarquai le timbre canadien.

Par quel instinct me félicitai-je d’être en ce moment tête à tête avec cette excellente femme, dont la perspicacité ne m’inspirait aucune crainte ? Pourquoi me hâtai-je