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Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/238

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paupérisme, le futur chancelier l’aurait écoutée ; mais il ne pouvait prendre grand intérêt, ni au rhumatisme de Betty Palmer, ni aux convulsions du petit dernier de mistress Ray. Quant à la politique, Ellenor n’en savait pas les premiers éléments, et Ralph s’impatientait parfois de son éternelle adhésion à toutes les opinions qu’il exprimait devant elle.

Il en vint à trouver quelque distraction dans la présence de miss Monro qui apparaissait, règle générale, l’heure du luncheon sonnée. Venait ensuite la promenade. Le plus souvent, on allait chercher en ville M. Wilkins, et, de temps à autre, on le trouvait dans un état qui ne laissait guère de doute sur l’emploi de sa journée. Ellenor mettait aisément sur le compte des migraines dont il se plaignait, certains symptômes que Ralph interprétait sans s’y tromper. Un jour, entre autres, la démarche de l’attorney était si incertaine, sa diction si embarrassée, sa langue si épaisse, qu’il fallut lui donner le bras et guider sa marche, sous peine de quelque fâcheux éclat. Or, tandis que Ralph se consacrait avec une, rage secrète, mais avec les formes les plus affectueuses, à cette mission de charité filiale, vinrent à passer deux gentlemen qu’il avait rencontrés naguère dans les salons de lord Bolton. Ils étaient à cheval, et jetèrent en passant, sur le groupe de famille, un regard étonné, suivi d’un salut qui exaspéra notre jeune ambitieux, désolé d’avoir été officiellement rencontré au bras d’un ivrogne.

Il se contint pourtant jusqu’à Ford-Bank, mais profita de ce qu’Ellenor voulait reconduire son père et veiller à ce qu’il se mît au lit, pour aller ruminer en paix, dans les allées de la pépinière, sa fureur rentrée. Je dois dire qu’en ce moment il cherchait, comme malgré lui, une issue quelconque à une situation devenue presque intolérable. Tout à coup, et sans que rien le lui eût fait pressentir,