Aller au contenu

Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fiancée, avec l’assistance de ses nombreuses cousines, procédait à l’emballage de son opulent trousseau, tandis que les domestiques vaquaient aux préparatifs du festin de noces. Ainsi du moins l’avait décidé miss Monro, qui suivait d’un œil attentif les moindres péripéties de ce drame, si particulièrement intéressant pour une vieille fille. Tout à coup, avec une exclamation vibrante, elle appela Ellenor qui venait de se remettre à son ouvrage : « Venez, venez, lui disait-elle ; regardez, sous l’allée des Tilleuls, ces deux gentlemen… L’un d’eux bien certainement est le fiancé ; si vous voulez le voir, dépêchez-vous ! »

Ellenor se pencha sur l’appui de la fenêtre et reconnut, au moment où sortant de la ténébreuse avenue il mettait le pied sur le pavé inondé de soleil, Ralph Corbet en compagnie d’un autre gentleman. Changé, vieilli, flétri, bien qu’il eût conservé le noble caractère de sa physionomie et le galbe classique de sa tête, le premier s’appuyait au bras d’un jeune homme grand et plus svelte que lui : « C’est celui-ci qui se marie, se dit aussitôt Ellenor, mais son cœur, par un serrement prophétique, démentit à l’instant même l’assurance qu’elle avait voulu se donner. Aucun doute ne lui resta quand elle vit, à la fenêtre gothique du Doyenné, paraître la belle prétendue, dont la rougeur, le sourire eussent suffi pour tout éclaircir, — alors même qu’elle n’eût pas envoyé, du bout de ses doigts roses, ce salut qui ressemblait à un baiser, — alors même que Ralph n’y eût pas répondu avec ardeur, tandis que son compagnon se découvrait cérémonieusement, en homme du monde qui n’a pas encore été présenté.

Miss Monro, prise à court par cette scène imprévue, se laissait aller à une bruyante et bavarde indignation ; Ellenor cependant la regardait d’un œil effaré, sans