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Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/273

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cèse. « Il se nomme Livingstone, » ajoutaient les mieux instruits.

Ce nom ne manqua pas de réveiller chez miss Monro le souvenir de la visite qu’elle avait reçue jadis pour le compte d’Ellenor malade et presque mourante. Ellenor elle-même avait toujours ignoré cette démarche, mais elle voulait encore espérer que le nouveau chanoine, malgré la ressemblance du nom, n’avait rien de commun avec le jeune ecclésiastique dont la demande en mariage était venue si mal à propos compliquer les anxiétés d’une nuit fatale. Tout ce qui la lui rappelait, même indirectement, était pour elle un vrai supplice. Inutile de dire que miss Monro, étrangère à cet ordre d’idées, bâtissait déjà dans le domaine des hypothèses, un roman au profit de son ancienne élève. Si l’on devait admettre que l’ancien soupirant et le nouveau chanoine fussent réellement une seule et même personne, n’était-il pas à souhaiter, — et à présumer par conséquent, — que ce digne homme, resté fidèle au souvenir de sa première flamme, solliciterait la récompense d’une constance si rare et si méritoire ? S’obstinerait-on toujours à la lui refuser ?… Bientôt les doutes furent levés. M. Livingstone était bien le prétendant jadis éconduit ; mais il arrivait, libre en apparence de tout amoureux souvenir, et si bien absorbé par les devoirs de son état qu’il ne reconnut même pas, tout d’abord, cette beauté dont il avait subi l’empire, ces attraits vainqueurs par lesquels, en une seule soirée, nous l’avons vu fasciné. Ellenor, secrètement charmée de cet oubli, ne demandait qu’à le voir se perpétuer. Un jour cependant qu’il inspectait la maison d’école, le nouveau chanoine, placé en face d’Ellenor, la vit sourire aux efforts d’une intelligente petite fille, et ce sourire, d’une merveilleuse douceur, fut pour lui comme un éclair dans la nuit du passé. Il sortit presque aussitôt, sans doute pour aller