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Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/31

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à Manchester nous fûmes accueillies par la terrible annonce de la disette du coton, et de la famine qui de proche en proche gagnait tout le Lancashire. Je n’oublierai jamais de quelle stupeur nous fûmes frappés. Personne ne parlait d’organiser des secours et personne alors n’eût pu imaginer qu’on ferait face à la crise et qu’on en triompherait. Je crois que nous serions restées immobiles sur nos chaises regardant d’un œil fixe venir la misère : mais vous savez combien l’inertie était impossible avec maman quand il y avait de l’aide à donner. Elle se mit sur l’heure à chercher ce qu’elle pourrait faire. Chose étrange, le plan qu’elle imagina d’elle-même fut précisément celui que l’on adopta ensuite comme le plus efficace pour le soulagement général. Elle pensa que nous devions réunir dans une vaste pièce du rez-de-chaussée tout ce qu’elle pourrait contenir d’ouvrières, auxquelles nous fournirions de l’ouvrage à l’aiguille, que nous leur paierions, sans tenir compte de la valeur absolue du travail, mais en évaluant surtout les frais qu’elles auraient à faire pour se nourrir et se loger. Avant que le temps strictement nécessaire pour mettre ce projet à exécution se fût écoulé, l’urgence d’une vaste organisation se fit sentir. Un comité de dames, dont notre mère était membre, s’assembla pour aviser aux moyens d’occuper les ouvrières des fabriques. On ouvrit des ateliers de couture. Maman consacrait six à sept heures par jour à en surveiller l’établissement, à les organiser. Elle compromit, à cette époque, sa santé par d’excessives fatigues. Voilà un petit trait d’elle que je crois très-caractéristique. Il y avait, dans l’un des ate-