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Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/57

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tement. Après une minute ou deux, je regardai du côté de la chère tante. Son menton touchait sa poitrine, et je m’assurai qu’elle était profondément assoupie. Je suspendis ma lecture inutile, et, posant le journal à côté de moi, j’allais m’assoupir aussi, quand un souffle frais, m’arrivant en plein visage, me ranima tout à coup. Cette bouffée, d’origine invisible, avait entr’ouvert la porte de la cuisine, incomplètement assujettie par Phillis, et je vis ma cousine, assise près du dressoir, occupée à peler des pommes.

Elle s’acquittait avec sa dextérité habituelle de cet humble travail ; pourtant elle détournait rapidement la tête, deux ou trois fois par minute, afin de jeter un coup d’œil rapide sur un volume ouvert à côté d’elle. Une inspiration de curiosité soudaine me fit quitter ma chais à petit bruit, et, avant que Phillis pût s’en douter, j’étais derrière elle, lorgnant à la dérobée, par-dessus son épaule, ce volume suspect. Il était écrit dans une langue inconnue pour moi, et le titre courant lui-même ne me disait pas grand’chose : — Inferno, ce devait être quelque chose d’infernal, mais encore ?

Au moment où je cherchais à raisonner ainsi mes conjectures, Phillis se tourna, m’aperçut, et sans aucune sorte de surprise, continuant tout haut sa pensée :

« Mon Dieu ! me dit-elle en soupirant, comme tout cela est difficile ! Pourriez-vous me venir en aide ? ajouta-t-elle en posant son doigt au-dessous du vers qui l’embarrassait.

— Qui cela, moi ? non vraiment. Je ne sais pas même en quel langage le livre est écrit.

— Comment, vous ne voyez pas que c’est Dante ? répliqua-t-elle avec une sorte d’impatience et comme désappointée de se voir refuser l’assistance dont elle avait besoin.