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Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/16

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s’ils le voulaient bien, et cette réputation leur donnait un crédit immense. Le commerce de détail n’était plus pour eux qu’un insignifiant accessoire, une habitude prise et qu’ils maintenaient, achetant la meilleure marchandise possible pour la revendre avec un léger bénéfice, mais toujours au comptant. Leur grande affaire était une espèce de banque primitive, une caisse de dépôts où venait apporter ses fonds quiconque les voulait mettre à l’abri du vol. Personne ne réclamait d’intérêts pour l’argent ainsi placé ; les Foster d’ailleurs n’en eussent accordé aucun. Mais, par contre, si quelques-uns de leurs clients, dont le caractère leur inspirait confiance, se trouvaient en situation de leur demander un prêt, ils l’accordaient volontiers après renseignements, parfois aussi après garanties données, et sans demander un penny d’intérêts ou prime quelconque.

Quand on cherchait le motif qui les déterminait à continuer le commerce de détail, les uns disaient que c’était pour se « distraire ; » d’autres parlaient, en revanche, d’un, plan de mariage qu’ils avaient dans la tête ; — un mariage qui unirait William Coulson, neveu de la défunte femme de Jeremy, à miss Hester Rose dont la mère était une espèce de parente éloignée, et qui était employée dans le magasin en même temps que William Coulson et Philip Hepburn. Cette version soulevait bien des doutes : — Coulson, disait-on, n’était pas du même sang que les Foster, et si ces derniers avaient pour Hester Rose des intentions si bienveillantes, ils n’auraient pas souffert qu’elle et sa mère vécussent de privations, réduites pour mettre leur modique revenu au niveau de leurs dépenses, à prendre chez elles, comme locataires, Coulson et Hepburn, les deux commis déjà nommés. — Ces incrédules ajoutaient que John et Jeremy laisseraient bien certainement toute leur fortune à quelque hôpital ou à quelque institution de charité.