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Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/162

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plus, à vrai dire… Vous n’avez aucun droit sur lui… Je sais, je puis attester que c’est un harponneur du Groënland, placé sous la protection des statuts.

— Nous faisons le même cas de vous et de vos attestations… Dépêchez-vous, brave homme, et venez prendre les commissions de ce gentleman qui appartient désormais, ne vous en déplaise, au service de Sa Majesté… »

Philip s’approchait lentement, ne sachant encore quelle ligne de conduite adopter, ni quel langage tenir vis-à-vis de cet homme qu’il craignait, qu’il haïssait, et qu’il ne pouvait cependant s’empêcher d’admirer.

Sa démarche lente et compassée portait au comble l’irritation de Kinraid.

« Avancez, avancez, criaient les matelots, ou nous allons vous chercher !… La vie de bord vous aurait bientôt guéri de ces manières d’écrevisse.

— Prenez-le donc et laissez-moi ! dit Kinraid, avec une ironie amère… Je sais ma leçon, et depuis longtemps ; vous voyez, en revanche, qu’il a besoin d’apprendre la sienne. »

Le chef de la press-gang ne repoussa pas tout d’abord cette insinuation de son prisonnier. Rien de plus facile que de mettre la main sur Philip et de l’emmener, lui aussi. La besogne n’en serait que légèrement compliquée ; mais la mine bourgeoise et la longue taille voûtée du jeune marchand, quand il les examina de plus près, ne lui parurent pas valoir les embarras d’une seconde aventure. Sans cela le pauvre garçon n’eût pas été mieux protégé par son titre « d’homme de terre » que Kinraid par l’inutile exhibition des papiers qui l’exonéraient du service maritime.

Philip, arrivé près des marins, fut vivement poussé du côté de la barque. Dans sa course forcée, il trébucha. Ses yeux se portèrent sur l’obstacle inattendu qui avait arrêté ses pieds, et il vit que c’était le chapeau de Kin-