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Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/234

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point, s’étaient mis tacitement d’accord, et le jeune homme, avant de quitter Monkshaven pour se rendre à l’ouverture des assises, prépara d’avance ce voyage suprême, en vue des circonstances qui pouvaient le rendre nécessaire.

On obtint par lui des nouvelles du prisonnier. Elles n’avaient rien de désespérant. Daniel, quoique un peu souffrant, ne perdait pas courage. Il poussait même ce courage jusqu’à la témérité, répétant volontiers à tout propos « qu’il ne se repentait de rien et se conduirait de même dans des circonstances analogues. » Les assises allaient s’ouvrir le douze mars, un dimanche, mais le sort de Robson ne se déciderait que le mardi suivant. À compter de la lettre qui renfermait ces détails, les deux femmes commencèrent à trouver le temps bien long et, le dimanche venu, elles allèrent ensemble offrir leurs prières à Celui dont la miséricorde infinie pouvait encore servir de bouclier au malheureux accusé. Après le service, — et comme elles s’en revenaient lentement l’une auprès de l’autre, sous la froide bise de mars, — Bell s’assit, épuisée de fatigue, sur le talus d’une haie. Sylvia, incapable de se taire plus longtemps et cédant à un irrésistible besoin d’expansion, lui fit part de tout ce qu’elles avaient à craindre. Sa mère l’écoutait avec moins de surprise, moins d’émotion qu’elle ne s’y était attendue. Levant tout à coup les bras vers le ciel et les laissant ensuite retomber sur ses genoux :

« Dieu nous mène,… dit la pauvre femme avec une certaine solennité. Il m’avait envoyé déjà le pressentiment de cet affreux malheur… Je ne t’en ai pas ouvert la bouche, mon enfant…

— C’est comme moi, mère ; je ne voulais pas t’en parler, parce que… Philip, d’ailleurs, a des espérances…