Aller au contenu

Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensuite, montrant l’appentis adossé à son cottage, il est là sur son lit, un peu mal portant… C’est un singulier corps, mais je ne le crois pas un mauvais homme. »

Sylvia, se rappelant ici ce que Kester lui avait dit des faciles dispositions de la pauvre veuve, crut devoir l’interroger sur l’hôte inconnu qu’elle s’était donné.

« Voici à peu près quinze jours qu’il est chez moi, répondit mistress Dawson, car il m’a déjà deux fois payé sa semaine… En le voyant arriver, un beau soir, las et n’en pouvant plus, haletant et se traînant à peine, j’avais presque honte d’exiger qu’il s’acquittât d’avance… Mais je me suis rappelé les recommandations de Christophe (elle ne se permettait jamais d’abréger le prénom de son frère) et j’ai pris mes précautions en conséquence… Malgré tout, nous sommes fort bons amis, et peu à peu il s’est mis à m’appeler grand’maman, bien que, sur la mine, on ne puisse guère lui donner plus de dix ou douze ans de moins que moi… Ce n’est pas qu’il se montre d’une extrême confiance, car il ne m’a jamais dit ni ce qu’il est, ni d’où il vient… Mais je présume que ce doit être quelque ouvrier de nos mines de houille, victime d’une explosion de feu grisou… Sa figure, en effet, est labourée de marques noires, comme celles que laissent les brûlures… Depuis quelques jours il souffre beaucoup, et passe au lit la plus grande partie de son temps… Tenez !… l’entendez-vous geindre ?… »

À travers la mince cloison, un profond soupir, — disons mieux, un gémissement, — venait en effet de se faire entendre.

« Pauvre misérable ! dit Sylvia baissant la voix, il y a dans ce monde plus de cœurs souffrants qu’on ne le suppose ! » Mais, après un instant, elle vint à se rappeler encore une fois ce qui lui avait été dit touchant l’extrême faiblesse de mistress Dawson, et elle jugea indispensable de la raffermir par quelques bons con-