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Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/97

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tester. Tout le monde se mit à rire, en voyant la surprise qui se peignait sur le visage de Sylvia lorsqu’elle comprit en quoi consistait sa « pénitence » ; — tout le monde, excepté Philip, qui étouffait presque.

« Je suis le chandelier, dit Kinraid avec un accent moins triomphal que s’il se fût agi de toute autre, parmi les fillettes présentes.

— Et le chandelier, il faut l’embrasser, s’écrièrent à l’envi les Corney, sans quoi votre ruban ne vous sera pas rendu.

— Or on sait qu’elle y tient, ajouta Molly Brunton avec malice.

— Je n’embrasserai ni le chandelier ni lui, dit Sylvia d’un ton bas et résolu, en se détournant couverte de confusion.

— En ce cas, votre ruban est perdu, s’écrièrent d’une seule voix tous les assistants.

— Peu m’importe le ruban, dit-elle, jetant à ses persécuteurs un regard d’autant plus assuré que maintenant elle tournait le dos à Kinraid… Et je ne jouerai plus à de pareils jeux, » ajouta-t-elle, indignée, au moment où elle se rasseyait dans le coin qu’elle avait quitté naguère, à l’écart des groupes joyeux.

Ces mots ranimèrent Philip qui brûlait de s’approcher d’elle pour lui dire à quel point il approuvait sa conduite. Pauvre Philip ! Sylvia, aussi modeste que la plus modeste, n’était cependant pas prude ; elle avait été élevée en toute simplicité, n’était point faite aux mièvreries de la ville, et avec tout autre jeune homme, — si ce n’est peut-être Philip lui-même, — elle n’aurait pas plus hésité à faire semblant de poser ses lèvres sur la main ou la joue du « chandelier » provisoire, que ne le faisaient, en pareille occasion et à pareille époque, les personnes d’un rang élevé. Kinraid, quoique mortifié par la publicité du refus, en savait plus long à cet égard que