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Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/324

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quelle il pût s’appuyer. Il a trouvé cette ancre dans le cœur de sa femme.

— Croyez-vous que la vie d’un homme ne soit pas complète sans une femme ?

— La vie de certains hommes ! Il est du nombre, il a besoin d’être heureux pour être bon. Il me semblait autrefois que j’étais de même ; maintenant je sais qu’on est plus près de la perfection en cherchant d’abord la vertu, et en se fiant pour son bonheur au Dieu pour lequel on vit.

Je dis, en la regardant à la dérobée un instant :

— Et moi aussi.

En causant ainsi, nous arrivâmes à la station. Jeanne mit sa bourse dans ma main avec une méchante petite manie d’indépendance qu’elle conservait toujours en dépit de ses échecs.

— Seconde classe, au moins, me dit-elle.

— Non. Je ne compte plus vous laisser voyager en seconde classe.

Jeanne se mit à rire et se soumit. Pendant que nous étions dans la voiture, elle s’appuya au fond, regardant passer le paysage en silence ; mon paysage à moi, c’était son visage.

Aucun flatteur ne pouvait plus dire que ce visage fût encore jeune ; les contours arrondis, la fraîcheur avaient disparu, la forme des traits aquilins était nettement dessinée, presque dure-