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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/117

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été inutiles. Le mot d’Arabelle : « Fortunio, ce n’est pas un homme, c’est un rêve, » lui revenait en mémoire.

En effet, il était si beau qu’il était facile de croire, lorsqu’on l’avait vu, à quelque révélation surnaturelle. ― L’éclat étourdissant au milieu duquel il était apparu à Musidora contribuait beaucoup à cette poétique illusion, et quelquefois elle doutait de la réalité comme quelqu’un qui aurait vu le ciel entr’ouvert une minute, et qui, le trouvant ensuite inexorablement fermé à son regard, en viendrait à se croire dupe d’une hallucination fiévreuse.

Ses amies vinrent lui porter de perfides consolations, avec de petits airs ironiquement dolents et des mines joyeusement tristes. Cinthia lui conseilla, dans toute la sincérité de son cœur de bonne fille, de prendre un nouvel amant, parce que cela l’occuperait toujours un peu. ― Mais Musidora lui répondit que ce remède, bon pour Phébé et pour Arabelle, ne lui conviendrait nullement. Alors Cinthia l’embrassa tendrement sur le front et se retira en disant : « Povera innamorata, je ferai dire une neuvaine à la madone pour le succès de vos amours. »

Ce qu’elle fit religieusement.

Musidora, voyant que toute lueur d’espoir était éteinte et que Fortunio était plus introuvable que jamais, prit la vie en grand dégoût et roula dans sa charmante tête les projets les