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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/152

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― Aucunement, chère reine ; je n’ai pas fait le moindre préparatif ; personne ne hait plus que moi les cérémonies, et je trouve que la cordialité est le meilleur assaisonnement d’un repas. ― Ce n’est qu’un simple encas que l’on me tient toujours prêt le jour comme la nuit, afin que si la faim me prend à une heure ou à une autre, l’on ne soit pas obligé de descendre dans la basse-cour couper le cou à un poulet, le plumer et le mettre à la broche. ― Je vous l’ai dit, je suis d’une simplicité tout à fait patriarcale. Je ne mange que lorsque j’ai faim, et ne bois que lorsque j’ai soif ; et quand j’ai envie de dormir, je me couche. ― Mais, je vous en prie, mon petit ange, pénétrez-vous un peu plus de cette pensée que vous êtes à table. ― Vous ne touchez à rien, et les morceaux restent tout entiers sur votre assiette. Ne craignez pas de me désenchanter en dînant de bon appétit ; je n’ai pas là-dessus les idées de lord Byron, et d’ailleurs je n’aime pas les ailes de volaille. ― Je serais immensément fâché, madame, que vous fussiez une simple vapeur. »

Malgré les instances de Fortunio, Musidora se contenta de sucer quelques drogues et de boire deux ou trois verres de tisane rosée, avec un doigt de crème des Barbades. Elle était trop émue pour avoir faim, et la présence de l’idole de son cœur la troublait à ce point qu’elle pouvait à peine porter sa fourchette à sa bouche. Quelle