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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/181

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Quand Musidora parut avec le Fortunio sur le devant de la loge, ce fut dans la salle un frémissement d’admiration universelle ; peu s’en fallut qu’on n’applaudît.

Phébé, qui était dans une avant-scène avec Alfred, devint pâle comme la lune à l’instant où se montre le soleil ; la peau d’Arabelle, qui avait des prétentions au cœur de Fortunio, s’injecta de fibrilles jaunes, comme si son fiel se fût répandu, et la violence de son émotion fut telle qu’elle manqua de se trouver mal.

Quant à la Romaine Cinthia, elle sourit doucement, et pendant l’entracte elle vint avec Phébé voir Musidora dans sa loge.

« Vous avez l’air d’une mariée à s’y méprendre, dit Phébé d’un air contraint et avec un sourire venimeux.

― En effet, répondit Musidora, je me suis mariée hier avec le rêve de mon cœur.

― J’en étais bien sûre, dit Cinthia ; jamais une neuvaine avec un cierge de trois livres n’a manqué son effet ; notre madone vaut mieux que tous vos saints laids et barbus.

― Madame, dit George, qui entra dans sa loge permettez-moi de mettre mes hommages à vos pieds, s’il y a de la place. ― La calèche est à vous ; quand faut-il vous l’envoyer ?

― Merci, Giorgo, ― Fortunio vous a devancé.

― Eh bien ! Fortunio, continua George, re-