Aller au contenu

Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec une pensionnaire en veste de satin vert-pomme sur les bords du Lignon. Il s’abandonnait tranquillement aux contradictions les plus étranges, et ne se souciait pas le moins du monde d’être logique. Ses passions le menaient où elles voulaient, sans qu’il essayât jamais de résister ; il était bon le matin et méchant le soir, plus souvent bon que méchant, car il se portait bien ; il était beau et riche, et penchait naturellement à trouver le monde assez bien ordonné ; mais à coup sûr, quelle que fût son humeur, il était ce qu’il paraissait être. — Il concevait très bien les choses les plus diverses ; il aimait également l’écarlate et le bleu de ciel, mais il détestait les phrases de roman et le jargon à la mode, et ce qui l’avait charmé principalement dans Musidora, c’est qu’elle s’était donnée à lui sans le connaître et sans lui rien dire.

Il n’était bruit de par le monde que de la victoire remportée par Musidora sur le Fortunio introuvable et sauvage, qui s’était singulièrement apprivoisé ; la petite chatte parisienne aux yeux verts avait dompté le tigre indien ; elle le tenait en cage dans son amour, dont les imperceptibles barreaux était plus solides que des grilles de fer ; elle paraissait l’avoir complètement fasciné, et la pauvre Soudji-Sari devait être bien négligée ; sa beauté était vaincue par la gentillesse de Musidora. — Fortunio se conduisait avec elle plus européennement qu’avec toutes les autres