Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/20

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follets couchés sur ses tempes modèrent la précision de ses sourcils sévèrement arqués, et des teintes blondes, qui redoublent d’intensité à mesure qu’elles montent vers la nuque, dorent harmonieusement le derrière de son cou, où se dessinent grassement, dans une chair souple et drue, les trois beaux plis du collier de Vénus. Ses épaules, fermes et mates, ont l’air de ces marbres que Canova lavait avec une eau saturée d’oxyde de fer pour en atténuer la crudité éclatante et leur ôter le lustre criard du poli.

Le ciseau de Cléomène n’a rien produit de plus parfait, et les plus suaves contours que l’art ait caressés ne sont rien auprès de cette réalité magnifique.

Quand elle veut regarder de côté, elle le fait sans tourner la tête, en coulant la prunelle dans le coin de son œil, de façon que le cristallin bleuâtre, lustré par un plus large éclair, s’illumine d’un éclat onctueux dont l’effet est inexprimable ; puis, quand elle a vu, elle ramène lentement ses prunelles fauves à leur place, sans déranger l’immobilité de son masque de marbre.

Dans l’orgueil de sa beauté, Cinthie repousse toute toilette comme un artifice indigne ; elle n’a que deux robes : une robe de velours noir et une autre de moire blanche ; elle ne porte jamais ni collier ni boucles d’oreilles, pas même une simple bague. Quelle bague, quel collier pourraient valoir la place qu’ils couvriraient ?