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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/260

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couleur, abondantes en appas, d’une santé violente, à l’allure dégingandée et commune, dont le génie du peintre a corrigé la réalité triviale ? Les grands maîtres nous jouent souvent de ces tours-là. D’un site insignifiant ils font un paysage délicieux ; d’une ignoble servante, une Vénus ; ils ne copient pas ce qu’ils voient, mais ce qu’ils désirent.

Pourtant Gretchen, quoique plus mignonne et plus délicate, ressemble vraiment beaucoup à la Madeleine de Notre-Dame d’Anvers, et la fantaisie de Tiburce peut s’y arrêter sans déception. Il lui sera difficile de trouver un corps plus magnifique au fantôme de sa maîtresse peinte.

Vous désirez sans doute, maintenant que vous connaissez aussi bien que nous-même Gretchen et sa chambre, — l’oiseau et le nid, — avoir quelques détails sur sa vie et sa position. — Son histoire est la plus simple du monde : — Gretchen, fille de petits marchands qui ont éprouvé des malheurs, est orpheline depuis quelques années ; elle vit avec Barbara, vieille servante dévouée, d’une petite rente, débris de l’héritage paternel, et du produit de son travail ; comme Gretchen fait ses robes et ses dentelles, qu’elle passe même chez les Flamands pour un prodige de soin et de propreté, elle peut, quoique simple ouvrière, être mise avec une certaine élégance et ne guère différer des filles de bour-