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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/274

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tenait Tiburce à part lui, en se promenant sur le quai de l’Escaut.

Pourtant, voyant qu’il n’avançait guère dans ses amours en peinture, il se fit les raisonnements les plus sensés du monde sur son insigne folie. Il revint à Gretchen, non sans pousser un long soupir de regret ; il ne l’aimait pas, mais du moins elle lui rappelait son rêve comme une fille rappelle une mère adorée qui est morte. — Nous n’insisterons pas sur les détails de cette liaison, chacun peut aisément les supposer. — Le hasard, ce grand entremetteur, fournit à nos deux amants une occasion très naturelle de se parler. — Gretchen était allée se promener, selon son habitude, à la Tête de Flandre, de l’autre côté de l’Escaut, avec sa jeune amie. — Elles avaient couru après les papillons, fait des couronnes de bluets, et s’étaient roulées sur le foin des meules, tant et si bien que le soir était venu, et que le passeur avait fait son dernier voyage sans qu’elles l’eussent remarqué. — Elles étaient là toutes deux assez inquiètes, un bout du pied dans l’eau, et criant de toute la force de leurs petites voix argentines qu’on eût à les venir prendre ; mais la folle brise emportait leurs cris, et rien ne leur répondait que la plainte douce du flot sur le sable. Heureusement Tiburce courait des bordées dans un petit canot à voiles ; il les entendit et leur offrit de les passer ! ce que l’amie s’empressa d’accepter, malgré l’air embarrassé et la rougeur de