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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/430

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impossible de vivre sans elle. Il avait beau s’interroger en tous sens, avec les délicatesses et les scrupules de la conscience la plus timorée, il ne se trouvait pas en faute et ne savait quoi se reprocher qui excusât la conduite de Plangon.

Depuis le jour où il l’avait connue, il était resté attaché à ses pas comme une ombre, n’avait été ni au bain, ni au gymnase, ni à la chasse, ni aux orgies nocturnes avec les jeunes gens de son âge ; ses yeux ne s’étaient pas arrêtés sur une femme, il n’avait vécu que pour son amour. Jamais vierge pure et sans tache n’avait été adorée comme Plangon l’hétaire. À quoi donc attribuer ce revirement subit, ce changement si complet, opéré en si peu de temps ? Venait-il de quelque perfidie d’Archenassa et de Lamie, ou du simple caprice de Plangon ? Que pouvaient donc lui avoir dit ces femmes pour que l’amour le plus tendre se tournât en haine et en dégoût sans cause apparente ? L’enfant se perdait dans un dédale de conjectures, et n’aboutissait à rien de satisfaisant. Mais dans tout ce chaos de pensées, au bout de tous ces carrefours et de ces chemins sans issues, s’élevait, comme une morne et pâle statue, cette idée : Il faut que Plangon me rende son amour ou que je me tue.

Plangon de son côté n’était pas moins malheureuse ; l’intérêt de sa vie était détruit ; avec Ctésias son âme s’en était allée, elle avait éteint