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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/438

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boucliers suspendus à la poupe, lorsque le pilote cria : « Terre ! terre ! »

L’on était arrivé à Samos.

Dès que l’aurore blonde eut soulevé du doigt les rideaux de son lit couleur de safran, l’enfant se dirigea vers la demeure de Bacchide le plus lentement possible ; car, singularité piquante, il avait maudit la nuit trop lente et aurait été pousser lui-même les roues de son char sur la courbe du ciel, et maintenant il avait peur d’arriver, prenait le chemin le plus long et marchait à petits pas. C’est qu’il hésitait à perdre son dernier espoir et reculait au moment de trancher lui-même le nœud de sa destinée ; il savait qu’il n’avait plus que ce coup de dé à jouer ; il tenait le cornet à la main et n’osait pas lancer sur la table le cube fatal.

Il arriva cependant, et, en touchant le seuil, il promit vingt génisses blanches aux cornes dorées à Mercure, dieu de l’éloquence, et cent couples de tourterelles à Vénus, qui change les cœurs.

Une ancienne esclave de Bacchide le reconnut.

« Quoi ! c’est vous, Ctésias ? — Pourquoi la pâleur des morts habite-t-elle sur votre visage ? Vos cheveux s’éparpillent en désordre ; vos épaules ne sont plus frottées d’essence ; le pli de votre manteau pend au hasard ; vos bras ni vos jambes ne sont plus épilés. Vous êtes négligé